Les punitions corporelles affectent négativement le développement du cerveau des enfants

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Déjà dans mon enfance je savais intuitivement que la violence faite aux enfants et pas seulement celle qui laisse des traces sur le corps avait un impact négatif, et ce tout au long de la vie. Cette violence, acceptable pour une grande partie de la population, que j’ai vécue dans mon enfance a fait en sorte que j’avais une très faible estime de moi-même, que j’avais tendance à broyer des idées noires et que j’avais des croyances sur moi-même, sur mes capacités, sur ma valeur et tout, tout, tout, très négatives. J’étais loin de me douter qu’un jour la science allait prouver ce qu’intuitivement j’avais compris depuis longtemps.

Depuis quelques années la science tente de découvrir ce que la violence faite aux enfants a comme effet sur leur développement et leur santé physique et mentale. En tant que société, on se doute que les enfants abusés ont des effets négatifs à long terme de la violence qu’ils ont vécue. Ce qui est particulièrement intéressant est que lorsqu’on s’intéresse aux enfants qui vivent certaines violences qu’on juge comme moins graves et vécues par une majorité de gens, comme la fessée et les punitions corporelles, les impacts sur le développement du cerveau des enfants sont les mêmes que pour les enfants qui ont vécu des violences qu’on juge comme inacceptables.

Je suis tombé sur un article dans The Harvard Gazette cette semaine qui met en lumière une étude réalisée en 2021. Selon cette étude menée par des chercheurs de Harvard, la fessée et les châtiments corporels peuvent affecter le développement du cerveau d'un enfant de manière similaire à des formes de violence (d’abus) plus graves.

L’étude se concentre sur des enfants âgés de 3 à 11 ans, principalement 147 enfants âgés d'environ 10 et 11 ans, qui ont reçu la fessée. À noter que les enfants qui ont subi des formes de violence plus graves ont été exclus de cette recherche.

Selon les auteurs de l'étude, les châtiments corporels sont liés au développement de problèmes de santé mentale, d'anxiété, de dépression, de problèmes de comportement et d'utilisation de substances.

Ironique que les adultes utilisent le contrôle (punitions, etc.) pour faire en sorte que leursenfants aient les comportements appropriés selon eux et que le résultat soit, entre autres, des problèmes de comportements. Ce n’est pas nouveau, on sait que de contrôler les enfants pour obtenir d’eux les comportements qu’on valorise n’a pas les effets qu’on souhaite. Et si on semble en apparence obtenir des enfants certains comportements qui sont souhaités dans la parentalité traditionnelle, on apprend avec cette recherche que le prix à payer pour l’enfant est énorme.

Dans l’article on explique que plusieurs personnes ne voient pas les châtiments corporels comme une forme de violence. Je pense qu’ici au Québec, une grande partie de la société voit comme violent de taper les enfants. Il nous reste toutefois du chemin à faire au niveau des autres violences. Lorsqu’on regarde les formes de violences que vivent les enfants, les VEO (violences éducatives ordinaires), il y a plusieurs expériences que les enfants vivent qui sont possiblement vécus comme violent, mais que les adultes ne reconnaissent pas comme étant violent. Comme laisser l’enfant pleurer seul, forcer l’enfant à faire un câlin et forcer l’enfant à rester à table pendant le repas (liste peu exhaustive ici.

Suggestion de lecture: Châtiments corporels et violences éducatives: pourquoi il faut les interdire en 20 questions-réponses de Muriel Salmona.

On a besoin de plus de recherche pour comprendre que ce n’est pas seulement les enfants victimes d’abus, et aussi ceux qui ont vécu des châtiments corporels, qui vivent des effets négatifs sur leur cerveau et leur santé mentale, mais aussi ceux qui vivent des formes de violences plus acceptées par la société comme la négligence émotionnelle.

Effect négatifs à long terme

La CDC (Center for disease control and prevention aux États-Unis) avec son étude ACEs (Adverse Childhood Experiences - Expériences négatives de l'enfance) a démontré que vivre certaines expériences dans l’enfance a des effets sur la santé physique et mentale. Beaucoup des expériences qui ont été prises en compte lors de cette recherche entrent dans la catégorie d’abus, mais pas toutes. Dans le questionnaire pour savoir notre résultat concernant les expériences négatives qu’on a vécu, une question m’a tiré les larmes aux yeux. Est-ce que vous vous êtes senti aimé pendant votre enfance? J’ai répondu non à cette question. Peu importe l’amour que mes parents avaient pour moi, je ne l’ai pas ressenti assez pour contrebalancer l’effet négatif de la violence. Le résultat est que j'ai commencé à croire que comme je ne me sens pas aimé, je ne suis pas aimable.

Ne pas chercher à blâmer

Quand on vit de la violence en tant qu’enfant, de par la loyauté qu’on a envers nos parents, il est difficile d’admettre avoir vécu cette violence et que nos parents sont au final humains. En tant que parent, on fait notre gros possible et parfois ce n’est pas assez. Le fait est que la violence qu’on a vécue nous prédispose à être violents avec nos enfants. Ce n’est pas une question de trouver à qui faire porter le blâme, mais de plutôt, en tant que parent et société, de prendre la responsabilité de notre impact sur les enfants et utiliser nos nouvelles connaissances pour favoriser le bon développement du cerveau de nos enfants et leurs conditions de vie future au niveau de la santé mentale et physique.

La violence est traumatisante

Comme le dit si bien Gabor Maté, quand les besoins de l’enfant ne sont pas comblés, c’est aussi une source possible de trauma. Le trauma complexe est des situations chroniques de violence, d’abus et de négligence durant l’enfance.  À la place d’être un événement isolé qui traumatise l’enfant, c’est plutôt la violence au quotidien comme les besoins non répondus (un bébé qu’on laisse pleurer pour qu’ils apprennent à s’endormir seul) qui participe à créer le trauma complexe.

Comme pour les soldats qui reviennent de la guerre avec un syndrome de stress post-traumatique (SSPT), existe aussi le syndrome de stress post-traumatique complexe (SSPT-C). Avec le SSPT-C, on peut ressentir les mêmes symptômes du SSPT, comme l'hypervigilance, le sentiment que le monde entier est un endroit dangereux. On peut aussi avoir des sentiments négatifs déformés à notre sujet.

Les symptômes du C-PTSD peuvent être:

  • difficultés à gérer les émotions, comme la colère ou la tristesse;

  • sentiment incessant de vide ou de désespoir;

  • défis relationnels, difficulté à faire confiance, le fait d'éviter les autres ou la participation à une dynamique malsaine.

Si l'on comprend maintenant que les châtiments corporels sont un risque qui peut augmenter les problèmes potentiels pour le développement des enfants, dans un futur proche, il y a de grandes probabilités qu’on arrive à ces mêmes conclusions en lien avec toutes formes de violence faites aux enfants. Certaines violences qu’on jugeait comme acceptables avant ne le sont plus. Les professeurs qui donnent des coups de règle sur les doigts. Les violences qu’on juge acceptables maintenant ne le seront plus dans un futur que j’ai hâte d’habiter.

Julie xo

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