Au temps du covid-19, est-ce que je suis accro au drame?

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Savais-tu qu’on peut-être accro au drame? Pour certaines personnes, la situation actuelle avec le Covid-19 est aussi une source de plaisir (de façon inconsciente). Est-ce mon cas? Est-ce le tien?

En me levant ce matin, je me suis demandé pourquoi est-ce je ne suis pas plus stressé? C’est un moment particulier dans l’histoire de l’humanité. Une période d’incertitude dont on va se souvenir longtemps. Même s’il y a encore beaucoup d’inconnu quant à la progression et les ravages que le covid-19 laissera derrière lui, mon niveau de stress est étonnamment bas. Et toi?

Sur une échelle d’un à dix, dix étant le plus haut niveau de stress que j’ai vécu dans ma vie, j’ai parfois des pic de stress à six et en-dehors de ces moments, je tourne autour de deux. Ce qui est pas mal mon normal. Et toi, c’est quoi tes chiffres?

Le fait que mon quotidien a très peu changé contribue à un niveau de stress près de mon normal. Benjamin travaille et fait ses cours à l’université à distance. Léo après deux semaines de relâche a recommencé ses cours en ligne ce matin. Le plus gros changement est que Patrick, mon mari, travaille à distance maintenant. Comme c’est quelque chose qu’il a déjà fait pendant quelques années, à part le fait d’être emménagé en décembre dernier dans un condo, vivre, apprendre et travailler tous ensemble dans la même maison est déjà du connu. 

Ces circonstances de mon quotidien, à l’inverse d’une grande majorité de famille où les parents travaillent tous les deux à l’extérieure et les enfants fréquentent la garderie et l’école, sont mon normal. Je ressens une certaine stabilité dans l’instabilité du monde extérieur. Ce qui contribue à ressentir un stress très proche de ce que je ressens en-dehors de la bulle covid-19.

Dépendance au drame

Ce qui m’a amené à penser à ce que j’avais lu il y a quelque temps déjà (je ne me souviens plus du livre, Au-delà de la médecine, notre esprit peut-être?) sur ces personnes qui sont dépendantes au drame et aux émotions fortes. En lisant sur ce sujet, j’ai compris que ces personnes vont chercher à créer des conflits. Ils cherchent à expérimenter, observer et partager le drame que d’autres personnes vivent (commérages). 

J’avais déjà observé, sans le comprendre vraiment, ce phénomène d’éprouver une certaine satisfaction à vivre, à créer ou à observer une situation haute en émotion souffrante. Ça faisait tellement pas de sens, pourquoi quelqu’un aimerait le drame? Une partie de moi sentait qu’encore une fois, comme souvent dans la vie, il y avait plus que ce que mes yeux pouvaient observer.

Dr Bill Gordon dans son article Excessive Attention-Seeking and Drama Addiction, explique que « Le drame fait que la glande pituitaire et l'hypothalamus sécrètent des endorphines, qui sont des composés analgésiques et inducteurs de plaisir, que l'héroïne et d'autres opiacés imitent.  Naturellement, étant donné que le drame utilise les mêmes mécanismes dans le cerveau que les opiacés, les gens peuvent facilement devenir dépendants du drame. » (1)

Comprendre que c’est un mécanisme dans le cerveau auxquels ces gens sont dépendant fait tellement de sens et me permet aussi de ressentir de l’empathie et de la compassion envers ces personnes. Ce qui était plutôt difficile auparavant je dois avouer.

Comment se crée cette connexion entre le drame et les endorphines? 

Dans son article, Dr Bill Gordon, associe être accro au drame avec la recherche d’attention excessive qui est la réponse à un traumatisme du développement causé par la négligence des besoins du bébé. « Les nouveau-nés dépendent extrêmement de l’attention de leur mère pour survivre.  Plus leurs besoins sont négligés pendant le développement précoce, plus l'enfant associe l'attention à la survie et à la sécurité. » (2)

Attirer l’attention de la mère devient le mécanisme permettant au bébé de combler ses besoins parce que le drame attire l’attention de son parent. Ça fait tellement de sens!

Quand on pense négligence, on pense en premier aux cas extrêmes de violence physique qui sont le lot de la DPJ. Ça nous parait évident que ces enfants garderont en eux des traces de la violence physique, mais c’est aussi le cas de la violence moins apparente et normalisée dans notre société qu’est la négligence émotionnelle.

Négligence émotionnelle et abus émotionnel

De ce que je comprends de ma lecture du livre The emotionally absent mother, how to heal the invisible effects of childhood emotional neglect, quand la mère laisse le bébé pleurer parce qu’elle n’est pas présente mentalement, c’est de la négligence. Quand la mère laisse son bébé pleurer dans son berceau pour qu’il apprenne à s’endormir seul, c’est de l’abus.

La mère négligente, n’est pas vraiment consciente de ce qu’elle fait et la seconde, sait parfaitement ce qu’elle fait. Et malheureusement, elle le fait souvent contre son coeur parce qu’elle suit les conseils des spécialistes.


John Broadus Watson

Les spécialistes

Le béhavioriste John Watson, dans une société qui croit que les hommes de science savent plus que les femmes comment élèves un enfant, part en croisade en 1928 contre l’affection maternelle qui selon lui, ferait des êtres humains chialeux, dépendants et ratés. 

Dans l’article Dangers of “Crying It Out” de Darcia F. Narvaez Ph.D. on peut lire: « Les béhavioristes encouragent alors et maintenant les parents à conditionner le bébé pour qu'il s'attende à ce que leurs besoins ne soient pas satisfaits à la demande, qu'il s'agisse d’alimentation ou de réconfort. » (3)

Cette idée de vouloir contrôler le bébé pour son bien est malheureusement encore présente et valoriser dans notre société.

 

« L’abus émotionnel n'est pas accidentel ou un oubli.  C'est faire quelque chose (ou même ne pas faire quelque chose) en sachant que cela causera une douleur émotionnelle. La violence émotionnelle prend souvent la forme de ridiculiser, de gronder, de blâmer et d'humilier.  Cela ne se produit pas seulement lorsque Mère est en colère, mais cela peut être dit dans des tonalités de conversation de tous les jours, même de manière légère devant vos amis. » (4)

Dans son livre The emotionally absent mother, how to heal the invisible effects of childhood emotional neglect, l’autrice, Jasmin Lee Cori donne des exemples d’abus émotionnel.

« La menace d’abandon est un abus émotionnel.  Des commentaires tels que «Je vais aller te porter à l’orphelinat» ou «Si tu continues, je vais partir» indiquent qu’on ne peut pas compter sur la présence de Maman.  De telles menaces provoquent la terreur chez le jeune enfant pour qui la Mère égale la survie.  Les enfants plus âgés seront également contrôlés par de telles menaces (ce qui est l’objectif), renforçant l'attachement insécure et l'insécurité en général.  La menace d'abandon physique est l'abandon émotionnel.  Il dit: «Tu ne peux pas compter sur moi.» Parce que c'est une action délibérée et traumatisante, c'est un abus.» (5)

La négligence émotionnelle et l’abus émotionnel sont beaucoup plus répandus qu’on le croit alors qu’il y a beaucoup de livres sur l’attachement sécure entre le bébé et la mère ayant des bénéfices favorable au développement sain de l’enfant. Quand j’écoute mon coeur, c’est ce qui résonne en moi très fort, malgré que je ne l’ai pas vécu moi-même en tant qu’enfant. Ces premières années, pas du tout parfaites, avec mes enfants ont été ce qui m’a permis de transformer mes croyances basées dans la négligence et l’abus pour offrir une relation sécurisante à mes enfants. 

À lire aussi: Guérir pour nos enfants: observer nos croyances


Est-ce que je suis accro au drame?

Comment faire pour savoir si on est accro au drame et quels serait les bienfaits de le savoir sont des questions qui me trotte dans la tête. Je me souviens d’un temps où j’ai participé aux commérages avec mes amies et j’en éprouvais une certaine satisfaction. J’aimais sentir que je faisais partie de la gang et en même temps je me sentais tout croche dans mon coeur. Comme ma croyance la plus destructrice est: personne m’aime, tout ce qui me fait ressentir la validation et l’amour me rassure (sécurité émotionnelle). Même si je n’étais pas consciente de la croyance derrière ce comportement, m’engager sur un chemin pour m’accepter et m’aimer plus m’a permis de laisser derrière moi ce type de comportements et partir à la recherche d’amitiés bienveillantes.

Je me souviens aussi des journées de départ en vacances où mon stress était haut et c’était toujours accompagné d’un conflit entre moi et mon chum. Est-ce que c’était un moyen pour faire baisser le stress que je vivais en créant un drame? 

Peut-être que j’étais accro au drame, une chose est certaine, je ne pense plus l’être maintenant. Et si je l’étais encore, c’est à travers la compassion que je passerais pour guérir. Je préfère de loin l’énergie de la joie et le clame intérieure aux émotions fortes du drame. Les départs pour les vacances sont beaucoup plus paisibles grâce à une bonne organisation et une meilleure communication. Probablement que le ménage que j’ai fait dans les séries télé que j’écoute est un effet secondaire de ce mécanisme, drame égal plaisir, qui s’est effacé de ma vie.

Empathie et compassion

Dans une société où juger les autres est monnaie courante, je choisis d’essayer de comprendre pour me permettre d’avoir de l’empathie pour ces personnes dépendantes du drame. Ce n’est pas juste un trait de caractère, c’est physiquement dans le cerveau. Moi, j’étais surtout accro à la bouffe. Et toi? Même si je comprends et ressens de la compassion, je suis consciente de l’effet sur moi de passer beaucoup de temps avec des personnes qui aime le drame. Ça m’épuise. Mon côté empathique et sensible fait en sorte que ça met mes batteries à terre à force de ressentir cette énergie dramatique ancrée dans la peur. Ce ne sont pas nécessairement des relations bienveillantes, parce qu’il y a un haut potentiel au drame artificiel au sein de la relation.

C’est en lisant Une naissance heureuse de Isabelle Brabant que j’ai mis pour la première fois des mots sur le maternage que je désirais offrir à mes enfants. L’attachement qui se crée à la naissance d’un bébé lui permet de créer une connexion sécurisante avec sa mère et son père. Même si j’étais guidée par ce désir d’attachement sécurisant, d’offrir une relation où mes enfants se sentiraient en sécurité émotionnellement en se sentant aimés sans condition, je suis humaine et surtout j’étais en apprentissage de ce type de relation que je n’avais pas vécu.

Oui, j’ai des regrets assaisonnés d’une pointe de culpabilité, mais j’ai surtout de la compassion pour cette jeune mère que j’étais et qui faisait tout son possible pour offrir à ses enfants une relation sécurisante en répondant à leurs besoins sans les juger. Je suis contente de m’être tenue debout devant les gens qui n’approuvaient pas ma façon d’être avec mes enfants. « Ça va faire des enfants gâtés! » qu’ils disaient. Maintenant que Benjamin et Léo sont de jeunes adultes, j’ai la preuve que ce n’est vraiment pas le cas! 

Julie xo

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Références en langue originale anglaise

1

 Excessive Attention-Seeking and Drama Addiction

Dr Bill Gordon

«Drama causes the pituitary gland and hypothalamus to secrete endorphins, which are the pain-suppressing and pleasure-inducing compounds, which heroin and other opiates mimic.[32-40] Hence, drama eases the anxiety of wanting more attention than you are getting. Naturally, since drama uses the same mechanisms in the brain as opiates, people can easily become addicted to drama.»

2

 Excessive Attention-Seeking and Drama Addiction

Dr Bill Gordon

«Newborns are extremely dependent on getting their mother’s attention for survival. The more their needs are neglected during early development the more the child equates getting attention with survival and safety.»

3

Dangers of “Crying It Out”

Darcia F. Narvaez Ph.D.

 «In the 20th century, behaviorist John Watson (1928), interested in making psychology a hard science, took up the crusade against affection as president of the American Psychological Association. He applied the mechanistic paradigm of behaviorism to child rearing, warning about the dangers of too much mother love. The 20th century was the time when "men of science" were assumed to know better than mothers, grandmothers and families about how to raise a child. Too much kindness to a baby would result in a whiney, dependent, failed human being.»

4

The emotionally absent mother, how to heal the invisible effects of childhood emotional neglect

Jasmin Lee Cori

« Abuse is not accidental or an oversight. It is doing something (or even not doing something) with the knowledge that it will cause emotional pain. Emotional abuse often takes the form of ridiculing, scolding, blaming, and humiliating. It doesn’t only happen when Mother is angry, but can be said in everyday conversational tones, even in a lighthearted way in front of your friends. »

5

The emotionally absent mother, how to heal the invisible effects of childhood emotional neglect

Jasmin Lee Cori

« Threatening abandonment is emotional abuse. COmments such as « I’ll take you to the orphange » or « I’ll leave if you keep doing that » communicate that Mom’s presence can’t be counted ont. Such threats elicit terror in the young child for whom Mother equals survival. Older children will also be controlled by such threats (which is their purpose), reinforcing an insecure attachement and insecurity in general. The treat of physical abandonment is emotional abandonment. It is saying, « You can’t count on me. » Because it is deliberate action and it is traumatizing, it is abuse. »