J’ai allaité pas assez longtemps

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L’été de mes 16 ans, j’ai eu une réduction mammaire. En partie parce que j’avais mal dans le dos, mais j’avais surtout honte de mes gros seins. En plus de porter des gilets trop grands, me tenir le dos courbé pour tenter de camoufler les rondeurs de mes seins devait aussi contribuer à mes maux de dos.

J’ai commencé à détester mon corps alors que je n’avais pas encore de sein. Quand mes seins ont commencé à se développer et que je n’ai pas pu les ignorer plus longtemps, on m’a acheté un soutien-gorge. Aucune autre fille de ma classe n’en portait ce qui amplifiait la honte que je ressentais d’en porter un. Je me souviens de la grande nervosité que je vivais en replaçant les bretelles de mon soutien-gorge que je tentais désespérément de camoufler. J’ai même demandé à mon professeur d’éducation physique de ne pas me changer dans la même salle que les autres filles de mon groupe. 

Quand j’y repense, je trouve ça fou de vivre autant de honte et haïr autant son corps.


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Lors de ma première visite avec le médecin qui allait m’opérer, il m’a averti que c’était presque impossible d’allaiter après une réduction mammaire. « Je ne veux pas d’enfants » a été ma réponse. Plusieurs années après ce moment, on m’a dit que mon test de grossesse était positif. J’ai été sous le choc et une des premières choses à laquelle j’ai pensée une fois la poussière retombée un peu est mon incapacité à allaiter.


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C’était clair comme de l’eau de roche que je désirais plus que tout allaiter. J’avais eu la chance de voir ma cousine faire ce choix et aussi une autre femme de mon entourage qui était dans une relation bienveillante avec ses enfants. Leurs explications de ce choix au début des années 90 ont conquis mon coeur. Ces moments semblaient magiques! Mon choix de ne pas avoir d’enfants était confronté à la beauté de l’allaitement. 

J’ai des photos de Benjamin dans les premières semaines de vie et je vois maintenant qu’il n’était pas assez nourri. J’avais du lait, mais pas assez. Mon allaitement n’était pas ce que j’avais vu, ces moments paisible d’un allaitement bien ancré après des mois d’allaitement. Benjamin était un bébé naissant et il ne buvait pas longtemps parce qu’il s’endormait au sein malgré mes divers trucs pour le garder réveiller. Benjamin avait un mois lorsque l’infirmière du CLSC l’a pesé et qu’on s’est rendu compte qu’il avait le même poids que sa première semaine de vie.

Une rage totale m’a envahie. La douleur déchirait mon âme en deux. Je sais que je n’en suis pas encore tout à fait remise parce qu’en regardant des images de mères allaitant leur bébé sur Instagram tantôt, mon coeur s’est gonflé de tristesse. 

Après l’échec d’avoir accouché par césarienne et la grande fatigue que je ressentais (hypothyroïdie), s’en était juste trop. Une fois de plus, j’échouais comme mère en n’ayant pas assez de lait pour nourrir mon bébé. À travers mes larmes et mon découragement s’est présenté ma priorité, donner un biberon de lait à mon bébé le plus vite possible.

Je comprends maintenant pourquoi Benjamin pleurait les premières semaines de sa vie. Et encore pires, ses pleurs avaient diminué comme s’il était résigné à avoir faim. L’horreur!

Ça serait trop facile de retomber dans la culpabilité si je n’avais pas appris à regarder the big picture. Ce que j’ai offert à cet enfant, une relation bienveillante en l’aimant inconditionnellement est de loin plus importante que toutes ces « erreurs » de mon parcours de maman in training.

Quand j’ai appris la bonne nouvelle que j’étais enceinte à nouveau, j’ai décidé de mieux m’outiller et m’entourer pour vivre un allaitement plus long. Deux mois cette fois-ci! Les suppléments pour favoriser la production de lait que j’ai pris au début de mon allaitement ont aidé, mais avec le recul j’aurais pu les continuer tout le long de l’allaitement. Pourquoi les arrêtés? Je n’en ai aucune idée, mais j’ai l’impression que de prendre des suppléments me faisait sentir moins « mère ». Comme handicapé.

Au début, on a combiné le moment d’allaitement avec un tube qu’on plaçait délicatement dans la bouche de Léo lorsqu’il était au sein. Je n’aimais vraiment pas cette solution, j’avais peur de blesser Léo. J’ai décidé de plutôt lui donner une bouteille de lait après chaque moment d’allaitement même si j’étais consciente de la possibilité qu’il ne veuille plus le sein. Ç’a été le choix gagnant pour nous!

J’ai vécu de doux moments, les yeux dans les yeux avec mon fils d’amour, les larmes aux yeux. La douceur de ces moments m’a comblé et a en partie guéri mon premier allaitement.

Léo est né à la fin de l’année 2000 et depuis, je ne suis pas au courant des dernières avancé. Est-ce que l’opération est différente aujourd’hui pour permettre aux femmes d’allaiter? Est-ce qu’il y a d’autres outils permettant un allaitement sans avoir recours au lait maternisé pour ces femmes?

Oui j’aurais aimé allaiter plus longtemps. Je n’ai pas de regrets. J’ai une histoire.

J’ai une richesse qui m’a permis de devenir la mère, la femme que je suis maintenant. Une femme qui est attendrie par des images d’allaitement parce qu’elle a eu la chance d’allaiter et de vivre ces moments magiques qu’aucune photo ne peut rendre justice.

Julie xo

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